Journal N°9 : il était une fois en Chine

06-Nov-2013 09:16, GoPro� YHDC5170, 3.6, 5.0mm, 0.001 sec, ISO 100
 
Ambigus, contrastés, mitigés…tels ont été nos ressentis suite à notre traversée de ce grand pays. Il faut dire que malgré de belles rencontres et des paysages majestueux, les galères, les soucis matériels et les embûches en tout genre se sont enchaînés. Ajoutez à cela une météo capricieuse et une communication parfois complexe avec le local, le début de notre séjour chinois a vraiment ressemblé à une épreuve de patience, de persévérance et d’abnégation. Il nous faudra attendre les dix derniers jours pour enfin respirer et profiter à fond de nos premières saveurs asiatiques orientales.
Retour sur notre passage dans l’Empire du milieu.

Préambule et condoléances

En ce triste jour, nous avons le regret de vous annoncer officiellement le décès de notre mascotte. Elle n’a pas supporté les changements de pression et de température des pays d’Asie centrale, malgré nos tentatives pour lui « regonfler le moral ». Repose en paix au paradis de l’Ovalie Gilbert, tu restera à jamais dans nos coeurs.

Retournons à la Chine… Comment décrire un pays aussi énorme… Contrée au milliard de visages, aux innombrables facettes et aux nombreuses contradictions. Plutôt que de se contraindre à ce difficile exercice dans lequel nous ne serions pas forcément pertinent, nous vous passons cette petite vidéo sympathique qu’un de nos hôtes, un soir, nous a fait visionner.
(Attention, en anglais…Gégé passe ton chemin ;-))

Bloqués à la frontière

Reprenons notre récit où nous l’avions laissé. Nous sommes au bout de la montagne Kyrgyze, mi-Octobre 2013, aux environs de 16h. Galère en vue : le soldat en faction nous annonce que la frontière va fermer ce soir pour une semaine. Aie !! Quelques jours plus tôt, c’était pour cause de vacances chinoises, c’est maintenant une fête musulmane qui risque de nous bloquer le dernier col.
Qu’à cela ne tienne, nous enfournons nos deux montures dans une Ford Escort (et pas un break…), Gooby moitié sur les genoux de Coco moitié sur le levier de vitesse, et nous franchissons les derniers 80Km de piste. Arrivée au deuxième barrage…trop tard, la frontière est déjà close.

12-Sep-2013 09:44, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.0, 6.05mm, 0.001 sec, ISO 100
 
Pas de chance, nous voilà bloqué à 3500m, plus un Som (la monnaie locale) en poche, 200Km du premier guichet, rien pour s’abriter si ce n’est quelques roulottes et il caille sacrément. Nous sommes sauvés par Bartogul, qui accepte de nous héberger dans la caravane attenante à la sienne. Nous passons les deux jours suivants à attendre dans ce 6m², emmaillotés dans nos duvets et chauffés uniquement par une plaque de cuisson électrique. Mentalement, l’épreuve est difficile : nous ne savons pas si nous pourrons passer la frontière, les conditions à l’extérieur se dégradent, le vent est glacial et la neige commence à apparaître…

Finalement, 48h plus tard, nous sortons du Kyrgyzstan. Nous profitons d’une ouverture exceptionnelle de la frontière. « Des touristes de Roumanie arrivent de Chine » nous explique-t-on. Tampon sur le passeport OK, nous franchissons les quelques kilomètres de No Man’s Land qui nous séparent du barrage suivant. Arrivant devant des grilles closes, Gooby tente un échange avec le militaire chinois. Très vite nous comprenons qu’ils ne veulent rien savoir : la frontière est close de leur coté, un point c’est tout ! Les Roumains sortent de Chine, impossible pour nous d’y entrer… Nous supplions littéralement l’officier en charge… Rien à faire. Coco :

« A ce moment là, nos regards se croisent avec Gooby. On est dans la mouise… Coincés entre deux pays et pas une solution en vue… Sincèrement je ne suis pas serein !« 

Canon Canon PowerShot SX240 HS
 
C’est alors que le conducteur du bus qui a déposé les touristes nous interpellent :

« Le seul moyen pour vous de passer est de réserver un transport pour vous emmener à Kashgar, 150 Km plus loin dans la vallée. Ici, nous sommes sur une route militaire et aucun étranger n’a le droit d’y séjourner sans prendre une agence de tourisme« .

Nous commençons à sentir l’enfumage arriver. Et le verdict tombe. Prix de la course : une modique somme de 350$ et pas un kopek de moins. Argh !! La pilule a du mal à passer… Pas le choix… Nous bataillons quelques minutes puis acceptons le deal. Le chauffeur glisse quelques mots au gradé qui nous laisse entrer sur le territoire chinois. Nous posons nos vélos dans le bus et nous voilà parti pour Kashgar…

Traversée compliquée

Au départ de notre projet, nous pensions séjourner trois mois en Chine. Il faut dire que le pays est gigantesque et qu’il fallait au moins ça pour le découvrir. Malheureusement, le visa que nous avons (avec chance) obtenu à Bishkek ne dure que trente jours. Impossible d’effectuer en vélo l’ensemble de la route pour rejoindre le Laos, notre prochaine étape. Plutôt que de tenter un improbable rallongement du visa, nous décidons de prendre un raccourci entre Kashgar à l’est et Chengdu (centre ouest). 3 choix s’offrent à nous : l’avion, l’autostop ou le train. Le premier est cher, le deuxième risque de prendre du temps pour parcourir 4000 Km, nous optons donc pour le troisième. Au programme, 2 trains qui s’enchaînent pour un total de plus de 70h de trajet. C’est alors que nous découvrons de nouvelles embûches : les vélos ne peuvent voyager avec nous et doivent emprunter un train de fret. Outre les frais supplémentaires, c’est surtout le fait de se séparer de nos maisons sur roues qui est dur à accepter…

22-Sep-2013 02:31, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 3.5, 4.5mm, 0.033 sec, ISO 320
 
Encore une fois, pas d’autre alternative et nous voilà donc avec nos sacoches autour des bras, tels des bêtes de somme, entrant dans la gare voyageurs. En Chine prendre le train, c’est comme prendre l’avion : détecteur de métaux pour tout le monde et passage aux rayons X des bagages… Et pim! La sécurité nous confisque les bouteilles de gaz pour le réchaud, jette le peu d’essence qu’il nous restait (toujours pour la popote), et vont même jusqu’à nous interdire le spray de WD-40 (huile pour la chaîne du vélo)… Trop dangereux!!! A coté de nous, un papy se fait carrément confisquer un marteau et un tournevis!! Un peu rageur, nous faisons avec, nous savons que la patience va être de mise.

21-Sep-2013 07:54, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.0, 5.447mm, 0.008 sec, ISO 100
 
En effet, de manière à limiter les dépenses, nous avons opter pour les places les moins chères : 3 jours de trajet sur des banquettes et dans le premier train, bondé, pas de place assise… Heureusement, nous ne faisons pas trop couleur locale, et les passagers, qui nous accueillent avec sourire et curiosité, nous prennent rapidement sous leur ailes. En fait nous comprenons rapidement que c’est une petite communauté qui se forme dans chaque wagon au fil des arrêts. C’est le grand capharnaüm. Le bruit est omniprésent. En plus de la radio, chacun y met de sa petite musique. ça crache à tout va et le sol est recouvert de déchets. L’allée centrale est « jaune » de monde et des vendeurs traversent le wagon toutes les cinq minutes avec des roulottes remplis de victuailles. Nous effectuons des roulements pour les places. Tantôt assis, tantôt debout, ce n’est que tard dans la nuit lorsque le train se vide un peu que nous pouvons enfin nous écrouler de fatigue sur une banquette . Trois jours de trajet à ce rythme là… et sans parler des passages obligatoires au toilettes… Nous sommes asphyxiés, éreintés, fracassés, sondés. Trop de verticalité pour Gooby, qui a les pieds qui ressemblent à des pattes d’éléphants. C’est à peine si nous avons pu profiter du paysage : steppes infinies, lever de soleil sur un désert majestueux, montagnes rocheuses immenses…A la descente, lorsque notre espace vital passe enfin au-delà de 1m², c’est comme une libération. Le chemin de fer chinois, c’est à faire, mais une seule fois!

Cyclistes dans la brume

20-Sep-2013 04:20, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 5.0, 21.033mm, 0.006 sec, ISO 100
 
Nous voilà donc à Chengdu, capitale de la province du Sichuan. Mais sans vélo… Deux jours à patienter. Juste le temps pour nous de reprendre nos esprits, recharger nos batteries et fomenter un nouveau plan avec notre dernière rencontre. Il s’appelle Liao, est chinois et mis à part « very good » ne connaît pas un mot de Rosbeef. Nous l’avons rencontré dans le train et avons de suite sympathisé. Il est enchanté par notre aventure et nous lui avons donc proposé de nous accompagner. Acceptant aussi sec, il se dégote un B’twin au Décathlon local (ironique, notre ami chinois est le seul à rouler avec une monture française). Vélos récupérés, nous partons à travers le Sichuan avec notre premier « Special Guest » cycliste qui n’arrête pas de nous étonner. En plus d’être un excellent compagnon de route, il manie très bien sa bécane alors que quelques jours auparavant il n’avait jamais passé de vitesse sur les pignons. Il est si content de faire du camping pour la première fois, de pêcher au bouchon avec Coco et de nous faire découvrir les nombreux et délicieux mets du Sichuan. Sa présence est tout simplement géniale et rafraîchissante. Il roule avec nous pendant environ 400 Km avant de nous quitter pour des raisons familiales. En seulement quelques jours, nous avons énormément partagé et ce fut un réel plaisir que de connaître cet espiègle chinois!

Nous reprenons la route à deux et c’est alors que les choses se gâtent. Le temps, déjà maussade, devient carrément merdique. Il faut savoir que le Sichuan est coincé entre les montagnes et a la réputation d’être très nuageux. La brume et l’humidité sont constante. Le brouillard omniprésent. Gooby :

« Ras la casquette de cette contrée!! Trop humide, ça monte tout le temps. Quand je roule en tee-shirt, je sue mais j’ai froid en même temps. Si je mets mon K-way, en trois minutes, je marine dans mon jus… Détestable sensation…« 

Canon Canon PowerShot SX240 HS
 
Nous roulons ainsi plusieurs jours. Toutes nos affaires sont trempées et une odeur de moisi commence à apparaître. Le soir nous alternons entre tente, hébergement chez les locaux et hôtel pas cher, histoire d’avoir une douche chaude de temps à autres et de tenter un séchage express de nos vêtements.

Puis un midi, après une matinée à grimper un col dans le brouillard, c’est la guigne. Coco se prend un nid de poule (voir un nid d’autruche). Le porte-bagage se fissure et sa vis de soutien se fend littéralement en deux. Impossible de la sortir. Nos différentes tentatives ne réussissent qu’à endommager son cadre en Alu. Clément ne peut pas rouler dans ces conditions. Le garde-boue s’affaisse et viens toucher la roue. Nous n’avons pas le choix : nous tentons l’autostop pour gagner la prochaine grande ville Kunming, sans savoir si une réparation est envisageable.

Yunnan, la contrée du renouveau

02-Nov-2013 11:56, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 5.6, 39.251mm, 0.002 sec, ISO 100
 
Par chance, nous arrivons à caler nos deux vélos dans le mini-van d’un local qui descend jusqu’à Kunming. Durant les 350Km qui nous séparent de cette ville, le temps s’éclaircit et nous apercevons le soleil pour la première fois depuis plus de 10 jours. Malgré la fatigue, une esquisse de sourire commence à nouveau à apparaître sur nos visages. Serait-ce la fin de cette série noire?

Nous arrivons sans trop de mal à trouver un magasin de vélos. Le patron sympathique s’attaque au cadre du vélo à la perceuse. Après 20 minutes, cinq forés pétés et une tension palpable, la vis cède enfin. Il re-taraude le trou, Coco achète un nouveau porte-bagage et nous voilà prêt à nouveau. Ouf!
Nous repartons de Kunming sous le soleil et avec la ferme intention de profiter à fond de ces 800 Km qui nous séparent de la frontière Laotienne. Pas de bol, le pneu de Gooby éclate en pleine descente, manquant de justesse de le faire passer sous un camion. Argh… Néanmoins nous arrivons miraculeusement à trouver un caoutchouc correct dans le bled suivant. Cette fois, il s’agit bien de notre dernière déconvenue.

09-Nov-2013 16:56, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.5, 11.58mm, 0.002 sec, ISO 160
 
Enfin, nous pouvons jouir de la beauté des paysages de la Chine du Sud. Les magnifiques montagnes, abruptes et sans pitié, s’enchaînent tandis que nous suons à grandes gouttes dans la chaleur humide des après-midi. Tantôt des montées interminables, tantôt des descentes de plusieurs dizaine de kilomètres… Qu’il est bon de pouvoir reprendre un vrai rythme! Petite pause par-ci par-là pour prendre une photo ou juste s’exclamer devant la majestueuse jungle qui s’étale devant nous. Nous roulons quelques jours avec Ongsam, cycliste Sud-Coréen, qui descend également au Laos. Lui aussi apprécit la route sur laquelle nous évoluons. La « Tea Horse Old Road » est vraiment magique. Peu de traffic, pas de touriste, on dirait parfois une route oubliée dans la montagne. De temps à autres, une vallée s’ouvre devant nous avec des plantations de café et de thé à perte de vue. C’est vraiment de toute beauté !

20-Sep-2013 09:18, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.5, 10.88mm, 0.02 sec, ISO 100
 
Le faible coût de la nourriture nous permet de découvrir les richesses culinaires de ce pays et d’accumuler les repas pantagruéliques : soupe chinoise gigantesque, riz à foison, poulet, intestin de porc, aillets persil et herbes de tous genres. Chaque repas est une aventure de saveur. Notre exotisme préféré de ce mois chinois : des punaises revenues dans l’huile et saupoudrées de piment ; Un délice : ça croustille sous la canine !!

Lorsque nous arrivons à la frontière avec le Laos, nous dressons le bilan de notre séjour chinois. Les galères font aussi parties du voyage. Nous avons beau le savoir, quand elles arrivent, ce n’est jamais une partie de plaisir. Néanmoins, nous avons systématiquement pu trouver une solution. Parfois grâce à la générosité des gens, parfois ce fût juste la chance, parfois le budget a été mis à mal. Mais nous sommes passés et avons tout de même réussi à profiter d’excellents moments. Le voyage continue avec d’autant plus de souvenirs …

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9 comments

  • Les Gimenez de ClairboisNo Gravatar on novembre 23, 2013 at 4:18 said:

    Votre récit est toujours aussi captivant BRAVO! Vous avez (vu qu’on ne sait lequel des deux écrit ❓ ) des dons d’écrivain!!! Et les photos sont géniales aussi!!! On pense à vous souvent et bientôt nos pensées ne vous quitteront plus dès que Pierre pédalera à vos côté… En espérant que les galères sont restées en Chine, bonne route et profitez, profitez et continuez à nous en faire profiter!!! 😉 Bises Vincent et Sylvie

    • GoobyNo Gravatar on décembre 5, 2013 at 11:24 said:

      C’est un vrai travail d’équipe 😉
      Nous venons de récupérer Pierre, notre nouvel équipier pour les deux prochains mois, qui ronfle en ce moment pour récupérer du jet Lag.
      Sylvie, on s’en occupera bien, promis!

  • BenjaNo Gravatar on novembre 25, 2013 at 11:51 said:

    « J’adore quand un plan se déroule sans accroc »
    Hannibal Smith, Agence tout risque
    Je vais paraphraser ce qui est écrit plus haut tant pis, mais quel bonheur de lire vos récits, je voyage avec vous!
    Amusez vous bien avec votre futur 3ème larron, ça augure encore de belles lectures!
    Bise les gars

  • Michèle AlainNo Gravatar on décembre 3, 2013 at 1:54 said:

    On suit votre périple avec toujours autant d’intérêt ! Bravo ! Des sujets de conversation en pagaille pour les réunions de famille à venir.On pense bien à vous. Bisous
    La famille du Nord (de la France !)

  • Michèle AlainNo Gravatar on décembre 11, 2013 at 9:31 said:

    11 décembre… BON ANNIVERSAIRE, Clément !
    Gros bisous.
    Toute la famille du Nord pense bien à toi.
    Papy, Mamie, tes oncles, tantes et cousines.

  • Julien HerraizNo Gravatar on décembre 11, 2013 at 2:39 said:

    Salut les gars !
    Moi qui ne suis pas un grand lecteur, je dévore toujours votre journal, quand je pense à me connecter. Rien de tel qu’un récit authentique !
    On a pas de mal à voyager en vous lisant, et avec un planisphère à côté, c’est l’évasion immédiate !
    Bonne continuation entre galères (surmontées) et émerveillement.
    Bises à vous trois d’un Léognanais expatrié en Angleterre (Cambridge).
    Julien

    PS : Ici, j’ai moi aussi troqué la voiture contre une petite-reine mais pour l’instant 5-6 km par jour ça me va, faut y aller progressivement 😉

  • Cathy Alain Gab AdrienNo Gravatar on décembre 18, 2013 at 3:41 said:

    Salut les bikers,
    Je profite d’un repos forcé pour reprendre vos journaux : Quelles aventures et quelle punch !
    Je vois que les différentes boissons locales n’affectent en rien vos mollets.
    Profitez bien de ces paysages et rencontres et merci de nous les faire partager.
    Des gros bisous de nous quatre pour un anniversaire (un peu dépassé) de Clément.
    Portez vous bien et à bientôt.

    Alain

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