Journal N°22 : Passage sur l´Equateur mais pas que…

Un peu plus de deux ans que nous usons les selles quatre à six heures par jour et, après avoir traversé une partie de l’Europe, de l’Asie, de l’Océnaie, les Amériques du Nord et Centrale, nous descendons tranquillement l’Amérique du Sud direction Ushuaïa. En ce mois de Mai 2015, nos roues parcourent les Andes à travers un petit pays de 15 millions d’habitants : l’Equateur. Petit en taille certes, surtout lorsqu’il est comparé à ses gigantesques voisins, mais la richesse et la diversité de ses paysages nous réservent quelques belles surprises tout au long du chemin.

22-Mai-2015 23:31, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.0, 4.5mm, 0.001 sec, ISO 100
 


La compo
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Partis à quatre mollets depuis la France, l’équipe des fondus du vélos varie au gré des kilomètres et des aventures. Dernièrement, elle s’est étoffée de nouveaux éléments, expérimentés de la bicyclette et guerriers de la route. Alors, une fois n’est pas coutume, en guise de premier paragraphe et pour éviter toute confusion dans les lignes à venir, présentons les protagonistes de cette vadrouille.
21-Mai-2015 04:57, Canon Canon PowerShot SX240 HS
 

Clément, alias Coco, est le mental de l’équipe, toujours prêt pour s’envoyer une grande étape de montagne, quelques godets dans le gosier et rigoler un bon coup, pas forcément dans ce sens d’ailleurs. Le gaulois fait partie du noyau dur, les fesses assises sur sa selle Brooks depuis plus de quarante mille kilomètres.
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20-Déc-2012 02:51, FUJIFILM X10, 2.0, 7.1mm, 0.018 sec, ISO 400
 
Jérémy, dit Gooby, à réussi à perdre un plus plus de 20 livres depuis le début de son voyage et il n’est pas question de littérature. Néanmoins il garde précieusement une ceinture abdominale de type ventrèche car l’appétit du bonhomme est légendaire. Il est dans la roue de son compère Coco depuis le début et peut passer en mode grognon à tout moment, les outils volant alors accompagnés de jurons colorés.
01-Jan-2013 01:54, FUJIFILM X10, 2.5, 15.4mm, 0.002 sec, ISO 100
 
Samuel, ou Sam est le cadet de la troupe, le jeunôt, « El niño« , et il déteste qu’on l’appelle ainsi. Avec son vélo japonais agé de 20 ans, donc aussi vieux que lui, le fier Québécois est parti de Californie il y a plus d’un an et a croisé les deux amis du dessus au Guatemala 5 mois auparavant. Faisant route avec eux depuis, c’est l’expert en langue, le roi de la réparation de rayons, de la blague qui tombe à l’eau et du pain de mie volé et dévoré par un chien pendant la nuit.
02-Juil-2009 18:06, GoPro� YHDC5170, 3.6, 5.0mm, 0.001 sec, ISO 100
 
Wolfram, A.K.A. Wolfi est le dernier à s’être joint au groupe. L’Allemand tout sec d’1m85 est sur le chemin depuis 8 mois, en provenance de Seattle. Le hasard faisant que lui aussi se dirige vers l’Argentine, il a été décidé de faire route commune. Plus il y a de roues, plus on rit, c’est bien connu. Complétement déjanté, il a toujours un mot pour rire, est drogué de la photograhie et possède un ronflement digne d’un barrissement pachydermique.
Voici donc la composition du groupe, plein de qualités, lié par l’amitié et une passion commune, qui s’en va tête baissée affronter les pentes équatoriennes.
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La route des volcans
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Nous entrons dans le pays au drapeau jaune, bleu et rouge par Tulcan, au mileu de la montagne. L’Equateur est divisé en trois partie bien distinctes, « Costa« , « Sierra » et « Selva« , chacune possédant sa culture, son climat et ses paysages propres. Il nous faut faire un choix, car bien qu’arpentant de nombreux kilomètres dans chaque contrée, il nous est malheureusement difficile d’en explorer tous les recoins. Nous décidons de suivre dans un premier temps la route à travers la montagne, synonyme pour nous d’étapes plus physiques, mais aussi plus gratifiantes pour ses splendides « vistas« . Dès les premiers jours, la couleur est annoncée et nous arrêtons rapidement de compter le nombre de fois où nous passons au-dessus des 3000m. La chaussée, qui nous a été annoncée de bonne qualité, est excellente… En tout cas, elle le sera quand les travaux seront terminés !! De grandes sections sont encore en développement et une bonne quantité de poussière nous recouvre lorsque nous roulons à travers les nuages de poussière soulevés par les camions.
22-Mai-2015 22:20, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.5, 12.669mm, 0.001 sec, ISO 100
 
A Ibarra, après avoir joué avec plaisir aux cobayes avec la section canine de sauvetage en montagne des pompiers, nous empruntons la petite route passant à l’est du volcan Imbabura. Une belle journée de vélo à travers des paysages alpins s’en suit. Sur un pré aux alentours de 2900m, nous tapons des quilles en l’air avec le ballon de rugby et sommes totalement essouflés après une course et demie, pas encore habitués au manque d’oxygène des hauteurs andines. Quelques kilomètres de plus et le volcan Cayambe se dresse devant nous, légérement obstrué par les nuages ce jour-là. Petite pause respectueuse pour admirer le majestueux titan qui se hisse au-dessus des 6000m et nous resdescendons à travers les champs d’orge vers la ville un peu plus bas pour passer la nuit.
26-Mai-2015 05:55, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.0, 8.625mm, 0.017 sec, ISO 200
 
Le lendemain, nous franchissons la latitude zéro et passons officiellement dans l’hémisphère sud. Bien que nous soyons déçus de constater que l’eau des toilettes ne tourne pas dans l’autre sens, un petit houblon Club, est tout de même partagé pour fêter l’occasion. A la fin de la journée, nous arrivons dans la Finca Casantopamba, petite exploitation située dans les hauteurs en face de Quito. Le climat quasi-constant des hauteurs est idéal pour les cultures de fèves, pommes de terre, orge, et autres légumineuses et céréales. L’Equateur est très agricole et les champs pullulent sur le bord des routes. Nous passons deux jours à aider dans la mesure de nos maigres compétences nos hôtes et leurs employés, nourrissant les veaux, confectionnant yaourt et fromage ou encore écossant les haricots. Nous constatons que le peuple équatorien est accueillant mais réservé. Après la presque exhubérance de la culture colombienne, nous sommes séduit par le calme et la simplicité des échanges qui règnent ici.
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Bienvenue dans la jungle.
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27-Mai-2015 00:45, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.5, 15.367mm, 0.002 sec, ISO 125
 
D’après plusieurs sources locales que nous avons interrogées, la route entre Quito et Ambato est très empruntée. Alors, nous changeons notre fusil d’épaule et optons pour un léger crochet à travers la jungle. Mais avant de descendre vers la forêt amazonienne, nous devons passer par le col entre Quito et Baeza, culminant aux environs des 4100m. La montée débute sous le soleil du petit matin mais se termine sous la pluie et le vent, la visibilité quasi-nulle ne nous permettant même pas de profiter de la vue. Si les ultimes centaines de mètres avant le col furent réellement difficile, les quarante kilomètres de descente dans la brume et la bruine furent un calvaire. Transi de froid, la goutte au nez et trempé jusqu’à la moelle, nous sentons petit à petit nos orteils revenir à la vie, signe de températures plus clémentes, au fur et à mesure de notre descente vers la jungle. Enfin nous arrivons à Baeza et, après avoir été accueillis par une lichette de Tequila locale, nous nous effondrons de fatigue dans nos duvets.
28-Mai-2015 03:49, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.0, 6.733mm, 0.001 sec, ISO 160
 
La végétation épaisse et luxuriante nous entoure alors que nous évoluons dans les premiers arpents de l’Amazonie. La chaleur est présente, mais cela ne nous empêche pas tout les jours de prendre une belle saucée pendant deux ou trois heures. Nous goûtons la chair sucrée entourant les fèves de « Ueva« , genre de haricot géant qui pousse à droite et à gauche dans la jungle puis nous nous baignons dans les eaux vives des rapides avant d’arriver à Tena. Là, pour mériter le gîte et le couvert, nous donnons un coup de main à Matteo qui s’occupe d’un centre bénévole d’accueil et d’aide pour enfants défavorisés. L’italien expatrié travaille depuis 7 ans en Equateur pour l’association Ubaldo Bonuchelli et est ravi de nous accueillir contre un peu de ménage, quelques pelletées et brouttées de sable. Il est formidable de constater que chaque étape de notre voyage se suit mais ne se ressemble pas. Multiplier les expériences diverses, parfois incongrues mais toujours inoubliables, c’est pour nous une saveur particulière qu’il peut être difficile de relater par écrit.
En parlant d’expérience incongrue et inoubliable, celle que nous avons vécue à Puyo deux jours plus tard, est pour sûr une qui restera gravée dans nos mémoires. Gooby :

Il est 8h30, nous venons de petit-déjeuner. A peine les vélos enfourchés que nous faisons un premier arrêt aux abords du marché de Puyo. Sam s’en va chercher du thé « Guadusa », spécialité du coin, et reviens un quart d’heure plus tard non seulement avec les feuilles, mais avec une autre surprise de la jungle… des « Gusanos », bon gros vers comestibles! Regardez votre pouce. Imaginez-le se tortiller et se dandiner dans le creux de votre main et vous aurez une petite idée de ce que j’ai pu ressentir lorsque l’énorme larve se baladait sur ma paume. Après Samuel et Clément, j’attrape à mon tour la tête noire de la bête et enfourne son corps dans ma bouche. Une fois que la peau crêmatre a enfin laché sous ma canine, un jus épais, riche en protéïne parait-il, s’infiltre entre mes dents…J’avale le tout sans plus de fioriture et me rince le palais d’une gorgée d’eau. Mmmm, un vrai délice… Il nous faudra 20min de fou rire et de persuasion pour faire avaler le sien à Wolfi qui pigne comme une fillette avec son ver de terre dans la main.

30-Mai-2015 21:51, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 5.0, 4.5mm, 0.008 sec, ISO 200
 

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A l’assault du Chimborazo.
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02-Juin-2015 00:24, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 3.5, 5.639mm, 0.05 sec, ISO 800
 
De Puyo, situé aux alentours de 800m d’altitude, nous retournons dans la montagne. Samuel a aperçu un petite route faisant une boucle à l’Ouest du plus haut volcan de l’Equateur et se sent d’attaque pour une ascension.
Une première journée nous emmène de la jungle jusqu’à Baños, ville touristique qui ne nous laissera pas un souvenir impérissable. Durant la deuxième étape, nous laissons Ambato derrière nous, grimpant toujours sur un petit braquet, et arrivons à Pilahui où l’équipe de football locale nous prête son club house dans lequel nous passerons la nuit.
Il est 3h du matin quand nous nous réveillons le lendemain, chaud tendu pour l’ultime partie de la montée. Il pleut des cordes… Retour dans les bras de Morphée… Deux heures plus tard, Wolfi ouvre l’oeil, le temps est gris mais pas de pluie. C’est parti ! Nous moulinons tout ce que nous pouvons, mais une infâme bruine nous rattrape et les températures sont de plus en plus basses. Gooby, pas assez couvert pour l’occasion, ne se sent pas bien et nous sommes obligés de faire un arrêt d’urgence dans une école Quechua au niveau des 4000m. Les jeunes écoliers aux joues rouges regardent d’un air ébahi Coco préparer un thé tandis que Gooby se lamente enveloppé dans sa couverture de survie.
02-Juin-2015 02:12, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.0, 4.5mm, 0.001 sec, ISO 100
 
La pluie s’arrête enfin vers 13h, quelques encablures après être repartis, et, même si le sommet du Chimborazo se dissimule sous les nuages, nous pouvons admirer le titan culminant à 6310m pendant que nos affaires sèchent sous le puissant vent qui nous poussent vers les hauteurs. La bête est, de par sa position proche de l’équateur et la forme ovoïde de notre planète, le sommet le plus éloigné du centre de la terre. La végétation est quasi inexistante : pas d’arbre, pas d’arbuste, seulement une fine couche d’herbe jaunie que broutent les « vicuñas« , cousins du lamas prisés pour sa laine qui adorent les hautes altitudes. Nous atteignons finalement l’Arenal, situé à 4400 mètres, entrée du parc national et point le plus haut de la route asphaltée. Nous avons le souffle court et la fatigue est plus que présente, mais la satisfaction est immense. Un peu d’auto-congratulation s’impose, ça fait toujours plaisir, mais pas trop longtemps car il caille sacrément là-haut.
02-Juin-2015 01:45, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 6.8, 90.0mm, 0.005 sec, ISO 100
 
Un dernier regard sur le sommet qui commence à se dégager et nous nous élançons dans une descente effrénée qui nous ramène aux alentours des 3000m. Ce soir là, autour d’une pantagruélique platrée de riz aux petits légumes amoureusement préparé par Coco, Sam et Wolfi, nous portons un toast à la Tequila locale et revenons sur ces douloureux deux jours et demi d’ascension avant de nous effondrer de fatigue dans nos duvets.
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Au sud de l’Equateur
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09-Juin-2015 11:45, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 5.6, 38.231mm, 0.01 sec, ISO 200
 
Les journées s’enchainent tandis que nous continuons notre route vers le sud. Du froid le matin, un peu de pluie, des vues superbes durement gagnées au terme d’ascensions interminables. Sam, penché sur son bolide, explose le record de l’équipe et atteint la vitesse démentielle de 89km/h dans une descente infernale vers Alausi. Nous arrivons finalement a Cuenca, ville coloniale du sud de l’Equateur. A la recherche d’un endroit pour passer la nuit, Jérémy et Wolfram se font soudainement héler :

 » Hey guys, do you speak english ? »
 » Euh, yes, good aftenoon ! »
 » Do you have a place to stay tonight ? »

Fortuitement, nous venons de rencontrer Marc. Il a émigré des Etats-Unis et s’est installé ici avec sa femme Marlene depuis quelques mois. Etant lui-même un cyclo-touriste, il s’est aussitôt arrêté lorsqu’il nous a aperçu sur l’avenue pour nous proposer le gîte et le couvert. Quelle chance ! Lorsque nous lui précisons que nous sommes quatre, le sympathique bonhomme nous réponds :

« No problems, you’ll just have to share the beds ! ».

Sur ce, il appelle sa femme, qui ne s’attendait sûrement pas à recevoir quatre ogres pour le dîner, et nous envoie chez lui ! Nous passerons deux excellentes soirées en leur compagnie, racontant les anecdotes respectives de nos voyages. Reposés et le sourire aux lèvres, nous les quittons le matin suivant avec émotion et gratitude, un poulet entier fourré dans nos sacoches pour le déjeuner.

13-Juin-2015 08:51, Canon Canon PowerShot SX240 HS
 
De Cuenca, nous glissons jusqu’à Loja. Trois petits jours de trajet durant lesquels nous nous essayerons à quelques routes alternatives. Les averses des derniers jours ont ravagé les chemins et plusieurs fois nous devons pousser les vélos par-dessus les glissements de terrain qui ont avalé la chaussée.
De Loja, plutôt que de continuer sur la voie principale, nous empruntons la petite route qui serpente jusqu’à Zumba. Passage d’un énième 3000m et des poussières dans la brume et l’humidité et nous voilà dans une des dernières vallées du pays. Les travaux combinés à la pluie toujours présente rendent les courbes dangereuses, boueuses et glissantes. Enfin, après une dernière nuit passée dans le terminal de transport à Zumba, nous affrontons les dernières pentes bien abruptes et non asphaltées de l’Equateur sous un soleil radieux. Une ultime photo aux contrôles des marchandises avec des militaires qui nous prêteront leur Kalachnikof (auparavant déchargé certes, mais incroyable tout de même) et nous voilà déjà au poste-frontière péruvien, prêt pour la suite de nos aventures.
23-Mai-2015 21:50, Canon Canon PowerShot SX240 HS, 4.5, 11.938mm, 0.001 sec, ISO 125
 

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Posted under: Am. du Sud, Equateur, Journal, Par pays

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