Durs, rudes, intraitables, les routes et chemins de l’intérieur du Pérou ne sont pas pour les néophytes de la bicyclette. Si tu portes encore tes roulettes, passe ton chemin, novice, cette contrée n’est pas faite pour toi !!! Quand nous passons, début Juin 2015, de l’Équateur au Pérou près de San Ignacio, nous savions que le gros morceau des Andes était encore devant nous. Au cours des deux mois que l’équipe va y passer, la contrée péruvienne nous usera jusqu’à la moelle, nous poussant parfois dans les limites de notre endurance. Des balades aux abords de la jungle aux affrontements des longues et interminables côtes andines, retour en détail sur notre incartade dans les terres Incas.
La Malédiction de Pachacamac
Avant d’entamer ce récit aux proportions épiques, il est opportun de préciser avec et dans quelles conditions nous avons vécu ces quelques semaines sur les terres hospitalières de ce pays d’Amérique du Sud. Nous n’avions pourtant pas escamoté de boules de cristal, tel les explorateurs d’Hergé, mais l’Inca mécontent avait apparemment décidé de tout de même nous infliger sa poisse divine durant tout le passage dans sa contrée.
En relisant le journal de bord, nous nous sommes aperçus qu’il n’y a presque pas eu une seule journée où l’un de nous n’a pas été malade, dans la tourmente de la douleur gastrique, les batteries à plat, étant d’une forme toute relative le lendemain pour pédaler. Notre préemption, notre curiosité et notre plaisir à goûter habituellement tout ce qui se trouve à notre portée a été durement freiné par la fraîcheur de la salade et plus d’une fois un compère lâchera un « Solo arroz por favor » plutôt que de déguster les pourtant sympathiques et engageants repas locaux. La qualité de l’eau du robinet nous imposera également une purification systématique à l’aide du micro filtre (à raison de plus ou moins 30min de pompage pour 5L de flotte) et le faux pas, lorsque nous acceptons parfois des jus et rafraîchissement à base d’eau supposément bouillie, est souvent sévèrement réprimandé par un stage longue durée en compagnie de « Jacob », position accroupie. Coté équipement, nos montures sont mises à mal. Jérémy double son nombre de crevaisons et de rayons cassés en quelques milliers de kilomètres. Les routes de pierres et de terres nous fusilleront pas moins de cinq pneus et ne sont pas rares les jours où nous roulons sur des caoutchoucs cousus au fil de pêche, élément finalement indispensable du cycliste averti. Stage intensif chez les soudeurs locaux pour enlever les vis rompues dans le cadre, jantes voilées, axe changé, Gooby roulant avec une bûche à la place de la selle, les souvenirs sont légions et d’autant plus mémorables que sur le moment, cela n’est jamais très marrant.Pour compléter ce duo technico-sanitaire, il est nécessaire de noter que le Pérou, à l’instar de l’ancienne Égypte, est affligé de plaies, désagréables, infâmes mêmes , mais néanmoins pas mortelles, enfin du moins pas que l’on sache. L’autochtone, pourtant vraiment accueillant et agréable, se transforme en abruti fini et incurable dès qu’il monte dans un carrosse blindé. A grand coup de klaxon, le stupide animal motorisé te défonce le tympan, te recouvrant de poussière au passage tout en manquant de te précipiter dans le ravin bordant la chaussée.
Le premier con de la journée, tu le laisses courir ; Le vingtième, tu lui adresses quelques mots doux accompagnés d’un geste bien placé ; Le cinquantième, tu espères juste qu’il s’arrête pour lui casser la gueule ! Mention spéciale pour les légions de minibus qui, en plus d’avoir unilatéralement décidé que la priorité était à celui arrivant de derrière (ou le plus gros, ou le plus fort, au choix), nous avoinent parfois d’un klaxon continue pendant quelques centaines de mètres, histoire de nous faire comprendre que nous n’avions rien à foutre sur leur voie… Le plus drôle (voir le pire) c’est que lorsque tu pètes un câble et que tu t’arrêtes au milieu de la route, stoppant net le véhicule, le crétin est parfois surpris que tu l’incendies avec véhémence et tu es alors presque pris de remords en voyant sa tête déconfite que tu viens métaphoriquement d’envoyer visiter l’ensemble des postérieurs des camélidés de la région.Quand tu fais du vélo, tu sais d’avance que le chien il te kiffe pas, alors tu te fais une raison. Habituellement, un ou deux coureur forcené par jour, nous ne cherchons pas et nous laissons tomber la neige. Mais au Pérou, c’est au bas mot une douzaine de bouffeurs de pneus que l’on doit se farcir chaque jour… Rien de mieux qu’une petite anecdote de Jérémy, notre cycliste ami des bêtes (qualificatif sujet à controverse), pour illustrer ce dernier point.
Ok, le canidé brailleur, je dois avouer que cela n’a jamais été trop mon truc. Mais d’habitude, je suis plutôt pour le statu quo, genre tu me cherches pas et je te laisserai tranquille.
Ce jour-là, je suis en solo, autour de 4300 mètres, le souffle court et déjà bien chaud malgré le froid matinal. Je passe aux abords d’une ferme, unique et ultime vestige de la présence humaine avant le col qui est encore à 10 km devant moi. Soudain, surgit de nulle part non pas un, ni deux, ni même cinq mais huit chiens, et pas des caniches s’il vous plaît. Gros boost d’adrénaline, j’appuie sur la pédale mais évidemment, à cette hauteur, en pleine montée, je ne fais pas long feu…
Trois derrière, trois à gauche, deux à droite, je ne sais plus où donner de l’oeil, ça aboie de toutes parts, je balance éperdument des pieds-bouches qui ne rencontrent que le vent tout en essayant sans succès de garder une direction convenable qui m’éviterait un hypothétique véhicule arrivant en sens inverse. A ce moment, je déteste les clébards. Au final, je m’arrête et m’abaisse pour attraper un caillou. Rien que le geste et ils se carapatent, malheureusement élevés à recevoir de la pierre quotidiennement.
Ne dressons pas un tableau non plus trop noir. Ces désagréments ne sont au final qu’une petite partie de notre exploration dans ce pays. Cracher le venin à certes son effet libérateur après une journée exténuante de vélo, mais il faut aussi avouer que nous avons vécus d’excellents moments et de mémorables aventures au Pérou. Alors sans attendre, passons aux réjouissances.
Retour vers la jungle.
Le Pérou est grossièrement divisé en trois parties. Le Pacifique longe les côtes à l’ouest ; Les Andes forment une barrière au centre ; L’Amazonie s’étend vers l’Orient. En Équateur, nous avions déjà roulé quelques kilomètres dans les premiers arpents de la jungle. Dans les premières semaines au Pérou, nous décidons d’y retourner y faire une incartade. Une pause de montagne est la bienvenue et la côte du nord du pays, désertique et apparemment malfamée, ne nous attire pas.
Dès les premiers jours nous sommes surpris par les paysages que nous rencontrons sous le soleil chauffant nos oreilles. Passés les premières cultures de café dont les grains sèchent sur le bord de la chaussée, de magnifiques rizières étagées s’étendent dans les vallées. Tout est manuel et nous apercevons les boeufs tirer sur le joug, menés par les paysans, de la boue jusqu’aux genoux. Le peuple nous réservent un accueil chaleureux. Clay, par exemple, un ancien de la légion étrangère qui parle le français avec un » léger » accent du sud, lâchant sporadiquement des » Peuchères » au milieu des phrases, nous déposent dans un petit hôtel et nous invitent au restaurant. Petite soupe de pâtes en entrée suivi d’un plat à base de poulet, boeuf ou poisson frits au choix, accompagné de riz. C’est le repas type, « el almuerzo » que nous retrouverons le plus souvent au cours de notre traversée du pays. Pour la modique somme cinq ou six Soles, soit moins de deux euros, il faut avouer que nous sommes tout autant ravis que notre portefeuille. La descente vers l’Amazonie entre Jaen et Tarapoto est en dent de scie, alternant vallées et petites montagnes. Les cultures de riz, de cacao et de tabac sont bordées de cocotiers dont nous sirotons le jus des noix à profusion. La végétation autour se fait de plus en plus touffue. Nous campons aux abords des rivières, dans les stades municipaux une fois reçue l’autorisation de la mairie, chez les pompiers ou encore chez les locaux que nous rencontrons dans les petits villages longeant la route. Sur le chemin, nous goutons au Cuy, petit rongeur qui ressemble au hamster, dont la chair tendre et grasse font sur les papilles. A Tarapoto, nous hallucinons sur la quantité de motos-taxis qui envahissent la chaussée. Pas de voiture, seulement ces petits engins qui fourmillent bruyamment dans les rues de la cité. De là, plutôt que de se diriger vers Iquitos, capitale de la jungle seulement accessible par bateau ou avion, nous optons pour le sud. Quelques encâblures plus loin, à Bellavista, nous rencontrons « Cabezon ». Le bonhomme, hilare et peut-être un peu ivre, nous invitent à passer le lendemain en sa compagnie. Le 24 Juin est le jour de la fête de la San Juan dans toute la jungle péruvienne. Tandis que Wolfi dort toute la journée, au lit avec une poussée de fièvre de Dengue, le reste de l’équipe s’en va déguster des « Juanes« , un pain de riz fourré avec poulet, olives, oeuf et estragon enveloppé dans une feuille de bananier. Étant les seuls étrangers à la fête, les locaux sont piqués de curiosité et nous passons de groupe en groupe, parlant de notre voyage tout en partageant le houblon local, la « Cristal« . Le groupe sur la scène, dont nous saluons la performance pour avoir joué presque 6h d’affilée, nous fera même une spéciale dédicace tandis que nous dansons sur le rythme posé de la « Cumbia« . En bref, une soirée mémorable au milieu de la jungle et 24h pour s’en remettre.Nous avançons lentement les jours suivants pour finalement quitter la route asphaltée peu après Tocache. Il est temps d’aller affronter nos premières grosses pentes péruviennes, et rien de mieux pour cela que de prendre la PE-12A, petite piste qui retourne vers les Andes.
La Cordillera Blanca
La Cordillère Blanche est un ensemble de pics au centre-nord du pays dont les sommets blanchis dépassent les 6000m. De nombreux aficionados de l’alpinisme viennent ici pour affronter les longues pentes enneigées, pour leur beauté et un coût encore bon marché. Pour nous, partant de la jungle aux environs de 600m d’altitude, ce n’est pas moins de 250 Km d’un petit chemin de terre qui nous emmène jusqu’à Sihuas, notre premier objectif, situé au nord-est de la cordillère, à 2800m et des poussières. Depuis la rivière aux abords de Santa Luisa, que nous traversons en bac puis suivons tout au long de la grimpette, nous observons les paysages évoluer. Des anciens champs de coca, aujourd’hui remplis de yucca, la jungle laisse petit à petit la place au décor montagneux des Andes. Les arbres se font de plus en plus court puis disparaissent complètement au-dessus de 3500m. Traversée de rivière à gué, passage caillouteux, lacets interminables qui nous permettent d’observer les à-pics vertigineux au bord de la route sans garde-fou, le sentier nous pousse à puiser dans les réserves. Nous passons un premier col un peu en-dessous de 4000m, redescendons à 1800m, puis au terme de 6 jours harassants parvenons enfin à Sihuas. C’est ici que nous nous séparons de Wolfi, notre collègue allemand qui roule avec nous depuis plus d’un mois. Il doit rejoindre Cuzco rapidement pour récupérer sa compagne qui le rejoint pour quelques semaines. Nous buvons quelques bières devant la finale de la Copa America puis un petit pisco local pour fêter son départ. Le lendemain, sortant de la paroisse où nous avons été accueilli pour la nuit, nous voyons notre ami s’éloigner par les routes asphaltées à l’ouest de la cordillère, après s’être promis de se recroiser plus loin sur le chemin. Nous avons opté pour continuer sur les sentiers orientaux. La nature omniprésente qui nous entoure est une récompense pour nos yeux toujours avides de nouveaux paysages. Piscobamba, Pomabamba, San Luis, Chacas, les étapes sont courtes en kilomètres, mais tout aussi fatigantes, et parsemées d’arrêt au stand dans les villages pour arranger tel ou tel ennui mécanique sur la bicyclette. Chaque soir, après l’élection de notre lieu de villégiature, un champ pour la tente ou parfois une salle dans la mairie du village où nous nous arrêtons, c’est l’heure du « meilleur » moment de la journée : la douche. Il n’est jamais très agréable de dormir dans sa sueur et dans la poussière accumulée durant l’étape, et la récupération nocturne est bien meilleure une fois tout propre. Alors, pour le bonheur olfactif de tous, nous passons chaque jour à la torture. Le soleil se couchant tôt, il fait souvent nuit à ce moment là. Un tuyau d’arrosage ou un seau accompagné de la tasse pour le thé et nous voilà dans le plus simple apparat en train de s’asperger de l’eau glacée sur la trombine en poussant des cris de dément et soufflant comme des boeufs. La première passe à l’eau nous donne un coup de sang et parfois une barre à la tête tellement elle est froide. Le savonnage nous permet de profiter du vent qui ne manque pas de venir en bourrasque juste à ce moment. Et le rinçage termine la torture, car bien sûr le savon ne veut pas partir sous les glaçons que l’on se jette dessus. Enfin nous sommes dans les vêtements chauds du soir et la fatigue de la journée ne met jamais très longtemps à se montrer, juste le temps de faire chauffer l’eau pour les soupes de nouille instantanées, mets de choix du cycliste affamé. Après Chacas se dresse devant nous une nouvelle épreuve : passer du coté occidentale de la Cordillère et rejoindre Huaraz en traversant les montagnes dans le Parc National de Huascaran. Deux chemins existent, un de terre passant au milieu de lacs magnifiques et un autre pavé, montant légèrement plus haut. Cela fait plusieurs jours que nous attendons ce défi, et nous choisissons le second sentier. C’est à peine l’aube quand nous partons ce matin-là, les premiers kilomètres relativement plats après le village nous permettent de nous chauffer les mollets. Rapidement la route se redresse et l’inclinaison s’intensifie. Une couche enlevée, puis deux, nous voilà en tee-shirt dans la fraîcheur matinale, de la fumée s’échappant de nos corps en plein effort. Après un solide 15 kilomètres de montée, un glacier gigantesque et magnifique apparaît devant nous, un lac aux couleurs bleues vertes hallucinantes à son pied. Nous sommes aux alentours de 4000m et une petite pause s’impose pour profiter de la vue et se restaurer, le petit-déjeuner d’avoine et de thé à la coca nous paraissant déjà à des années lumières. La montée continue sur la gauche du glacier et pendant deux autres heures nous enchaînons les courbes en épingle, obligés de s’arrêter tout les trois virages pour reprendre notre souffle. Enfin nous arrivons à l’entrée du tunnel, à 4650 mètres. Plutôt que de l’emprunter, nous continuons sur l’ancienne route en terre et totalement à l’abandon depuis la construction du passage souterrain. Il nous reste quatre kilomètres pour atteindre le col. Chacun de son coté, au plus profond de l’effort, puisant dans les ultimes réserves d’énergie, nous avançons petit à petit dans les ultimes switchbacks. Chaque coup de pédale, chaque mètre gagné est arraché à la montagne. Le mal des hauteurs, « El Sorochi » nous rattrape. Jérémy et Samuel sont assaillis de vertiges et Coco a la migraine. Le sentier est vraiment difficile, des éboulements en ont recouvert quelques parties et nos roues peinent à avancer, glissant sur les pierres. Nous posons souvent le pied à terre pour faire baisser la température de la machine puis poussons quelques mètres les bicyclettes sur les rochers. Enfin, après plus d’une heure harassante de vélo, nous atteignons le col de la Punta Olimpica, à 4890 mètres. Difficile d’expliquer ce que nous pouvons ressentir à ce moment-là, un mélange de fierté, d’accomplissement et d’humilité devant le Huascaran, plus haut sommet du Pérou, que nous contemplons de l’autre coté de la passe. Nous remettons pull, K-way et gants et nous lançons de l’autre coté. Cinquante kilomètres de descente de folie sont une partie de notre récompense. Nous enchaînons les courbes avec le sourire aux lèvres, complètement grisés par l’adrénaline. Seul petit point noir, Clément, à la sortie d’un virage, grille « légèrement » la ligne jaune et est pris par la patrouille. Les policiers, véreux, nous demande un pot de vin odieux que, malgré nos deux ans de voyage et de baragouinage en tout genre, nous ne parvenons pas à éluder. La chose est rapidement oubliée dans les kilomètres suivants de la pente, tant le bonheur de glisser sans effort est enivrant. C’est en arrivant à Carhuaz, 30Km avant Huaraz, que la fatigue nous rattrape. Tel des zombies sur pattes, nous demandons asile à l’église de la ville et il ne nous faut pas cinq minutes pour nous endormir sur les bancs de la salle où nous passerons la nuit.En haut, en bas, en haut, en bas…
Arrivés finalement à Huaraz, nos mollets en feu se reposent quelques jours dans la compagnie des pompiers de la ville. Nous en profitons pour faire « les boutiques » dans le centre plutôt touristique de la cité. Bien sûr, les achats ne sont pas la dernière paire de chaussures de chez Gucci ou les boules de pétanque en vogue chez Obut. Nous restons focalisés. Samuel trouve une jante et des rayons pour sa roue arrière, ces derniers faiblissant et rompant à tout va depuis de nombreux kilomètres, l’ayant obligé à fabriquer ses propres tiges, pas toujours solides… Le garçon est chanceux, parce que le 28 pouces, la dimension de sa roue, ça ne court pas les rues au Pérou. Clément craque et s’achète un matelas de sol. Depuis plus de deux ans, le dos d’acier du bonhomme a subi les bosses et les cailloux de tout les pays traversés, mais le froid et l’humidité des sols dans les hauteurs de la contrée ont eut raison de sa ténacité. Jérémy dégote de nouveaux patins de freins, les anciens fondant à vue d’oeil dans les descentes infernales des montagnes péruviennes.
L’objectif suivant est clair : Cuzco. Nous devons rejoindre la grande ville avant le 10 Août car Romain, un ami de longue date, va nous y rejoindre pour faire quelques semaines en bicyclette. Environ un mois et 1500 Km de route à travers la montagne, suivant la PE-3S, sont devant nous. Au départ de Huaraz, Samuel et Clément décide d’emprunter le petit chemin de terre « Pastoruri » qui les emmène de nouveau à travers le Parc National du Huascaran. Camping à 4300m, baignade dans la cascade gelée et un col à 4900m. Ils évoluent dans un décor naturel magnifique, quelques rares « Puya Raimondii » errant aux alentours. La plante centenaire monte de six à dix mètres et ne fleurit qu’une seule fois dans sa vie. Gooby, lassé des cailloux sous les pneus, fait le tour par l’asphalte et ne passera que par un col, le fainéant, à 4750m. Nous nous rejoignons plus bas, aux alentours de 1800, à Huanuco, aux portes de la jungle.Après avoir récupéré d’une nouvelle attaque intestinale, nous repartons de la station des pompiers qui nous ont gentiment accueillis et remontons lentement vers Cerro de Pasco, une des villes les plus hautes du monde, autour des 4300m. Il parait que les joueurs des clubs de foot de la côte se plaignent lors des déplacements là-haut, problème de souffle apparemment… La longue montée est éreintante. Une nuit de repos dans l’association San Juan de Bautista à Huariaca nous permet d’être témoin d’une réunion de ses membres passant la soirée à mâcher des feuilles de coca, pour délier les langues nous disent-ils entre deux histoires du village. Les cinquante derniers kilomètres de montée sont épuisant le lendemain, Coco et Sam arrive sur les rotules. Gooby, lui, n’a pu refuser l’offre d’un camionneur lui proposant de le charger avec son vélo dans le véhicule et de l’emmener au sommet. Tout en mangeant une banane, il passe devant ses compagnons qui se donnent dans la pente. Suite à un malentendu sur le point de rendez-vous, il ne les retrouvera que quelques jours plus tard.
L’altiplano qui s’étend sur une centaine de kilomètre au sud de la ville est magnifique. Matin très froid, un soleil qui brûle la peau, le paysage est quasi lunaire, quelques lacs où atterrissent des flamands roses et une chaîne de montagne au loin délimitant les contours de la haute plaine. Presque rien ne se cultive dans la région, si ce n’est le « Macca », un tubercule énergisant utilisé dans les plats et les boissons locales, que l’on aperçoit sécher sur les bord de la chaussée. Nous redescendons vers des hauteurs et des températures plus acceptables à travers l’étroite vallée passant par La Oroya avant d’atteindre la plaine de Huancayo. Là, Clément et Samuel retrouve Jérémy qui a durant quelques jours donné un coup de main dans un petit restaurant, le « Zalema », histoire de gagner le gîte et le couvert en attendant ses compères.Repartant de là, nous remontons une nouvelle fois au-dessus des 4000m puis longeons quelques jours une rivière sous des températures plutôt agréables qui nous permettent même un ou deux bains dans les eaux fraîches de la vallée. Grimpette de nouveau et nous voilà à Ayacucho. « C’est encore moche à crever ici ! » lance en arrivant dans les faubourgs un Clément fatigué de sa journée. Il est vrai qu’en général, à part les places centrales des villages et certains centres touristiques, notamment Cuzco, le reste du paysage urbain péruvien est plutôt laid. Nombreux sont les bâtiments non terminés, des barres de fer sortant de tout cotés des murs en brique apparente. Les chiens errent parmi les ordures qui ornent souvent chaque recoin et ce n’est pas rare que l’automobiliste devant nous jette sa bouteille en plastique de boisson gazeuse par la fenêtre. Le contraste est d’autant plus fort que la nature, relativement bien conservé, offre des paysages à couper le souffle.
Dernière étape. Ayacucho – Cuzco. Sur ce trajet de 500Km, la route fait le yoyo pas moins de quatre fois entre 4000m et 2000m. Nous passons de longues heures chaque jour dans des montées éreintantes pour profiter d’une vue magique à chaque col, avant de s’engouffrer dans des descentes infernales dans lesquels nous prenons l’aspiration du premier de cordée, baissant la tête et rigolant, grisés par le vent et l’adrénaline qui nous porte au-delà de notre fatigue.Quelques jours plus tard, lorsque nous descendons vers l’aéroport de Cuzco à l’aube, le vélo d’occasion que nous avons dégoté pour notre compère accroché dans le dos de Coco, nous faisons le bilan de cette aventure au Pérou. Un peuple aimable tant qu’il ne monte pas dans une auto ; Une nourriture bon marché mais dangereuse ; Un pays rude à traverser à bien des égards mais des paysages et des points de vue complètement hallucinants qui resteront parmi les plus beaux de notre voyage.
Simoun on novembre 5, 2015 at 2:28 said:
Joli le coup du Zalema ! Respect ! ainsi que pour tous ces dénivelés et galères que vous vous êtes tapés !!
La bise.