Récit d’aventures cyclistes panaméennes au mois de Mars 2015 ou comment un québécois, Samuel, et deux français, Clément (alias Coco) et Jérémy (alias Gooby) finissent sur les rotules avant d’embarquer pour l’Amérique du Sud.
Du coté de la côte Caraïbe
Il fait chaud, la journée a été bonne et les noix de coco ont flanché sous les coups de machette aguerris de Clément, nous permettant de nous abreuver jusqu’à plus soif. Nous passons la frontière tranquillement entre le Costa Rica et le Panama sur le mythique pont qui relie les petites villes de Sixaola et Guabito, sur la côte caraïbe. Petit conseil aux voyageurs en passant, autant la taxe de tourisme costaricaine (de 7$) est tout à fait officielle, impossible de recevoir son tampon de sortie sans l’avoir acquittée, que les trois dollars que demandent les locaux au sud du pont l’est beaucoup moins. Nous feintons et les douaniers Panaméens nous apposent notre sceau d’entrée sans problème. Samuel, qui a dû faire un aller-retour à la frontière il y a une quinzaine de jour pour faire renouveler son temps de séjour au Costa Rica, connaît déjà les pompiers du coin et c’est avec le sourire que nous sommes accueillis. Une petite Soberana, houblon léger du pays, une tambouille riz sardines pour se caler l’estomac et nous voilà déjà dans les bras de Morphée.
Le lendemain, après une mise en jambe plutôt agréable, vingt kilomètres à travers les cultures bananières, les festivités débutent. A Changuinola, la jungle remplace les champs cultivés et le plat se transforme en collines à fortes pentes. Fidèles à leur réputation, les inclinaisons des montagnes centraméricaines nous font déguster. Les dérailleurs craquent, les rayons grincent, les chaînes couinent, Gooby aussi. A 15h, voyant bien que nous n’arriverons pas au terme de l’étape que nous avions prévue, nous demandons la permission à Annabela, alors que nous achetons des bananes dans son épicerie perdue dans la jungle, de poser la tente sur son terrain et celle-ci accepte avec joie. De nombreux indigènes habitent cette partie du pays et le chemin passant devant le jardin de notre hôte mène à plusieurs villages enfoncés dans les montagnes. Les autochtones nous saluent avec le sourire tandis que nous nous baignons dans la rivière, une pirogue de pêcheurs faisant vrombir son moteur en passant à coté de nous.
Après une nuit étonnamment fraîche pour la latitude, les pattes encore lourdes de la veille, nous nous relançons pour nos derniers kilomètres dans la chaleur tropicale de la jungle de la région Boca Del Toro. Après Chiriqui Grande, il n’existe pas de route au nord, longeant la côte Caraïbe. Il nous faut donc traverser la cordillère qui sépare les deux océans et agit comme un tampon climatique. Au sud, le climat pacifique est plus sec et, en cette saison, très venteux.
En résumé : 18 km de montée pour un col à 1200 m, une bière bien fraîche offerte par des québécois en plein milieu, Coco au bord de l’explosion qui nous fait une fringale et Gooby, le vil gredin, qui s’accroche à un camion pour les derniers kilomètres. Nous poussons quelques encablures plus loin et atteignons finalement le barrage de La Represa à la tombée de la nuit. Le gardien nous laissent camper sur la pelouse devant l’Office du tourisme et, après avoir pris une rapide douche sous la très fraîche cascade du coin, nous nous enfonçons dans nos duvets, heureux de prendre enfin du repos.
Merci Google Maps
Au petit matin, les nuages et la pluie nocturne ont disparu et ont laissé place à un soleil resplendissant qui éclaire nos bobines encore enfarinées. Une fois le petit-déjeuner, composé d’un mélange avoine-eau-sucre-banane, avalé et les tentes pliées, nous nous apprêtons à repartir. La destination du jour est la ville de David, capitale de la région de Chiriqui, à une soixantaine de kilomètres de là, principalement en descente.
Gooby :
Le gardien nous indique un petit chemin le long du barrage qui semble descendre directement dans la vallée et, pensant que nous avons trouvé notre raccourci, nous nous élançons dans le sentier rocailleux. Nous nous rendons compte très vite que le chemin n’est pas carrossable et que seuls les piétons où les mules l’empruntent. Comment « Google Maps » peux donner ce chemin en alternative pour un trajet voiture, cela restera un mystère ! Les quelques montées sont tellement abruptes que nos pneus, pourtant alourdis par le poids des sacoches, dérapent et nous obligent à poser pieds à terre pour pousser les engins. Dans les descentes, impossible également de rester sur le vélo, pas assez de freins, trop pentues, trop de cailloux… Quelques gamelles et voilà que nous marchons de nouveau…En étudiant les cartes avant d’être sur la route, notre ami « Google » m’avait donné deux possibilités. Le chemin principal, pavé, facile à suivre, que j’avais emprunté durant mon escapade solo au mois de Janvier, et une alternative plus courte, à travers la montagne, mais dont je n’avais pas réussi à trouver l’embranchement.
Heureusement, la difficulté du terrain ne nous empêche pas de profiter de points de vues fabuleux sur la vallée du Chiriqui, que seuls quelques touristes fortunés ont jamais contemplés. Nous croisons des indigènes à pieds et à dos de cheval qui nous indiquent le chemin dans ce dédale de sentiers de chèvres. Nous passons quelques maisons construites de bric et de broc, traversons littéralement des champs de vaches, ouvrant et fermant les clôtures avec soin. Des oranges grapillées sur un arbre dans un pré nous redonnent quelque énergie, mais nous payons un lourd tribut et la fatigue nous gagnent rapidement. Vers midi, après 12km pour 4h30 de crapahutage, quelques portés de vélos, une pédale explosée, un pont suspendu traversé et un Gooby énervé en tabarnak, nous récupérons enfin la route au fond de la vallée. Nous nous jetons tout habillés dans la rivière pour se rincer de la sueur et la poussière qui nous collent.
Nous déjeunons rapidement et repartons pour deux bonnes heures de montagnes russes sous la chaleur implacable. Quelques litres de soda bien frais et nous finissons cette épique journée par une vingtaine de kilomètres de pure descente sur la double voie qui relie Boquete à David. Le soleil se couche au loin sur l’océan pacifique et donne de belles couleurs. Le vent de fin d’après-midi nous rafraîchit le visage et la vitesse de nos bolides nous enivre. Ceux sont les récompenses de notre exténuante étape.
Sur la Panaméricaine
A David, nous retrouvons Kristin et Joël qui nous ouvrent leur porte. Ce couple de retraités américains a, comme nombres de leurs compatriotes, décidé d’émigrer pour la vie moins couteuse et les températures plus clémentes du Panama. Ils habitent dans un sympathique et calme quartier aux abords de la ville et sont on ne peut plus heureux de leur tranquille train de vie. Jérémy, les ayant déjà rencontrés il y a un mois, durant son trajet en solitaire, fait les présentations et retrouve avec joie leur voisine Cedo, qui l’a hébergé durant une dizaine de jours et qu’il surnomme affectueusement sa grand-mère panaméenne. Nous profitons d’une belle journée de repos pendant laquelle nous faisons un check complet des vélos tout en dégustant une petite Lager, la Panama, pur produit local.
Le lendemain, après avoir fait nos adieux, nous repartons en suivant l’axe principale du pays : la fameuse Panaméricaine. Autant dire de suite que cela ne restera par notre meilleur souvenir de vélo. Durant les 450 Km qui nous sépare de la capitale, le trafic est extrêmement dense, les camions sont légions et les détritus sur le bord des routes innombrables. Pourquoi garder sa bouteille de soda vide ou son paquet de cigarettes dans la voiture alors qu’on peut tellement facilement le jeter par la fenêtre ? Pour ne rien arranger, la section de David à Santiago est en travaux et l’accotement disparaît, nous laissant naviguer sur la même voie que les véhicules. Après une journée à se faire frôler par des conducteurs trop pressés, nous décidons de prendre un chemin détourné. La route nationale n°5 est une bonne alternative. Certes plus difficile pour ses quelques collines, elle est bien moins usitée et possède un ou deux panoramas à couper le souffle sur les mangroves et l’océan pacifique. A Sona, nous sommes hébergés au pied levé par César que nous avons rencontré devant le supermarché. Le peuple Panaméen, quand il n’est pas en voiture, est très aimable, hospitalier et aime la discussion.
Une nuit passe et nous revoilà sur la route. Notre sympathique détour se termine et nous reprenons l’axe majeur au niveau de Santiago. A partir de là et jusqu’au Canal de Panama, nous aurons à quelques exceptions près le vent de face. Durant la saison estivale, et plus spécifiquement de Janvier à Mars, des vents puissants et continus soufflent sur les plaines de la côte sud du pays. Le climat est très sec et la végétation jaunie par le soleil omniprésent. Aguadulce, Anton, San Carlos, Chorrera, les étapes se succèdent et se ressemblent. Beaucoup de vent, la tête dans le guidon et la musique dans les oreilles pour limiter la cacophonie de la circulation. Le midi, nous nous posons à l’ombre et dégustons nos fameux sandwichs beurre de cacahuète – carottes. Une petite sieste et rebelote l’après-midi. Chaque soir, nous ressemblons à trois pruneau tout sec et tout cramé qui ont pris la poussière toute la journée. Heureusement, nous trouvons régulièrement refuge chez les combattants du feu et, bien que nous y dormions parfois à même le sol bétonné, nous profitons d’une douche salvatrice et revigorante à chaque fois. Nous y goutons également un breuvage, la Chicha, mélange de jus de betterave, jus de carotte, sucre et lait. Même si sur le papier cela n’a pas forcément l’air appétissant, nous vous assurons que c’est une boisson de champion !!
Direction Amérique du Sud
Finalement, nous passons le mythique Canal de Panama sur le pont Centennial. Nous apercevons des navires gigantesques, chargés à bloc de containers, glissés sur les eaux brunâtres de ce bras reliant les deux plus grands océans du monde. Nous nous arrêtons près d’une écluse et réalisons avec effarement les travaux pharaoniques qui ont dû être effectués pour construire et aménager, il y a maintenant plus de cent ans, le Canal. Nous nous sentons tout petits devant les impressionnantes et énormes portes qui laissent passer les bateaux. De là nous filons vers Colon et l’entrée nord du Canal. En effet, la panaméricaine continue vers l’est quelques centaines de kilomètres avant de s’arrêter à Yaviza. A partir de là, plus de route. Le parc national de Darien forme une barrière infranchissable pour nos petit vélos. Que cela soit pour la jungle épaisse qui existent le long de la frontière Panama – Colombie ou pour les nombreux groupes de guérilléros et autre animaux à kalachnikov qui y ont élu domicile, nous ne nous sentons pas l’âme de l’aventurier intrépide.
La voie terrestre étant donc éliminée, restaient les voies maritime et aérienne. La dernière étant toujours aussi peu pratique pour les voyageurs à vélo, nous avons opté pour le ferry reliant Colon, Panama à Carthagène, Colombie. Nous avons de la chance car les traversées ne sont pas toujours possible, mais la compagnie Ferry Xpress à réouvert un passage depuis seulement quelques mois. Prix du ticket : 100$ (sans cabine) + 25$ pour les bicyclettes pour 18h de trajet sur une barquette digne de ce nom.
Nous arrivons à Colon avec une journée d’avance et en profitons pour décompresser en roulant tranquillement dans les environs. Nous passons a Fort Davis et, alors que nous faisons sécher nos tentes humides à cause de la rosée matinale, nous sommes interpellés par des personnes jouant sur le terrain de baseball juste à coté. Ils sont très curieux depuis qu’ils nous ont vu arriver avec nos engins. Nous faisons les présentations et rapidement le courant passe. Ils font partie d’un groupe de l’église Adventiste et viennent régulièrement ici passer le dimanche avec leur famille. A peine quelques minutes ont passé que nous voilà tout les trois sur le terrain, incorporé dans les équipes, à tâter de la batte sous le soleil de plomb. On applaudit pour les jolis coups, ça chambre pour les balles ratées et ça rigole lors les gamelles. Femmes et hommes de tout âge, tous ont le sourire et nous passons un excellent après-midi, échangeant histoires et anecdotes entre deux parties. Ce sont des rencontres comme celle-ci qui forment l’âme et le coeur de notre voyage. Lorsque nous nous endormons ce soir-là, rouge des coups de soleil ramassés pendant la journée, nous rangeons précieusement cette partie de baseball dans notre boîte à souvenirs.
Le lendemain, nous embarquons finalement sur le ferry. Moments de transition, ces journées de transport sont toujours pour nous difficiles. Attente, passage de douanes, attente encore, passage des bagages aux rayons X…
Euh, Monsieur ! Vous avez une machette dans votre sac !!
Ah oui, c’est exact ! Il y a un problème ?
Euh… Non, non, c’est correct ! Je mets un autocollant sur votre sac indiquant qu’elle est à l’intérieur. Ne la sortez pas sur le pont par contre…
Mais ces temps de latence sont aussi pour nous l’occasion de faire le point. Dégustant une bière sur le pont du ferry qui quitte le port et les terres Panaméennes, nous dressons le bilan. Après cinq mois et un peu plus de huit milles kilomètres, nous venons de traverser l’Amérique Centrale en vélo. Nous y avons vécu de grands moments, tant sportifs que humains. Du désert de la Baja California aux plaines sèches et venteuses du Panama en passant par les pentes démentielles du Guatemala et les côtes paradisiaques du Costa Rica, les défis physiques et mentaux se sont enchaînés mais ont fait également la part belle à de bons moments de détente à l’ombre des cocotiers. De l’apprentissage de la langue espagnole à un nouveau compagnon de route québécois, en passant par un Noël magique en terre Salvadorienne et des rencontres fortuites et inoubliables, nous avons échangés des moments chaleureux avec des gens d’ici et d’ailleurs, remplissant notre musette de souvenirs et de visages. Du fond du coeur, un grand merci à toutes les personnes qui nous ont aidées, nous ont fait rire, nous ont fait vivre durant ces quelques mois…Oui, bien sûr ! Merci beaucoup Monsieur !!
Sylvie et Vincent Gimenez on mai 19, 2015 at 11:08 said:
Un Saludo a nuestros ciclistas de Leognan,
Nous sommes toujours derrière vous,accrochés par la pensée à votre roue et nous délectant de vos anecdotes et commentaires.Nous aurons plein de questions à vous poser sur les lieux à ne pas manquer.En attendant bonne route sur l’altiplano andin que nous connaissons un peu pour avoir visité le Pérou et la Bolivie.Attention aux effets de l’altitude(el soroche)et profitez des paysages à couper le souffle (au sens propre comme au figuré..)
Un fuerte abrazo y que os salga todo bien.
nb: Romain est impatient de vs y retrouver..
Sylvie et Vincent
Gooby on mai 20, 2015 at 11:38 said:
Merci à vous deux. C’est toujours un plaisir de lire vos petits messages.
Nous passerons à Clairbois au retour pour vous raconter ça en long et en large !!
Sylvie et Vincent Gimenez on mai 20, 2015 at 11:07 said:
Un Saludo a nuestros ciclistas de Leognan,
Nous sommes toujours derrière vous,accrochés par la pensée à votre roue et nous délectant de vos anecdotes et commentaires.Nous aurons plein de questions à vous poser sur les lieux à ne pas manquer.En attendant bonne route sur l’altiplano andin que nous connaissons un peu pour avoir visité le Pérou et la Bolivie.Attention aux effets de l’altitude(el soroche)et profitez des paysages à couper le souffle (au sens propre comme au figuré..)
Un fuerte abrazo y que os salga todo bien.
Sylvie et Vincent
Mag on mai 21, 2015 at 11:12 said:
Encore un grand merci pour ce récit de voyage. Etes-vous toujours en Colombie? N’ayant pas de compte facebook (mais je tiens bon!) j’ai eu une petite frayeur en lisant les infos sur le glissement de terrain. Bon courage à tous les 2 et belle traversée de l’Amérique du Sud. Pensez à Guillaume et à moi en dégustant le boeuf argentin agrémenté d’un bon malbec!
La bise
Gooby on mai 23, 2015 at 12:19 said:
Merci à toi Mag. Nous venons tout juste de passer en Équateur, les températures sont plus fraîches mais les vues sur les volcans sont magnifiques.
PS : Il nous reste encore quelques kilomètres avant l’Argentine 😉
Kris on mai 22, 2015 at 4:25 said:
We had such a good time with you and your friends here! Cedo will be happy to hear your story too. She asks about you often. Happy Travels and we’ll look forward to more stories in the future 🙂